J'aime Mahmoud Darwich



Je viens de relire deux recueils de Mahmoud Darwich. J'aime toujours autant.

Habituellement, je suis assez peu sensible à la poésie. La métrique et la versification emprisonnent les mots, étouffe la parole, et j'appréhende cette contrainte d'écriture comme un style appartement au passé. D'autre part, l'occident a fait du genre poétique une expression qui exalte la beauté aboutissant souvent à un fatras de niaiseries. Avec Mahmoud Darwich, rien de tout cela.

Je dois la rencontre de ce poète à Rachid Benlafquih. Un jour il est venu me trouver pour me proposer des lectures musicales. J'étais peu enthousiaste à l'idée de lire de la poésie même accompagné d'un excellent joueur d'oud. Malgré tout, il me laissa quelques livres et m'invita à réfléchir. En débordant d'a priori, j'entrais dans les livres du poète.

Mahmoud Darwich est un auteur qui appartient à cette longue tradition de poésie arabe, sensuelle et courtoise, et qui emprunte également des genres perses, notamment le Ghazal (parole amoureuse, pour faire simple). Son talent est d'abord de transcender ces genres classiques, de leur donner une vitalité contemporaine. Pour moi, il parvient à matérialiser la poésie au sens premier, à intégrer notre environnement quotidien (téléphone, journal, internet, café...).

La poésie de Mahmoud Darwich est aussi une tribune, politique pour certain, philosophique dirais-je. Mahmoud est Palestien et doit fuir son pays dès l'âge de 9 ans. Poète de Palestine, poète de l’exil, il célèbre sa terre, tour à tour avec colère, peur, fidélité, soucis d’identité. Partout dans le monde, il dit sa poésie à haute voix, lors de congrès, de conférences, de rassemblements, pour revendiquer les droits de la Palestine, mais surtout le droit de vivre sur sa terre dans la paix et l'universalité.

Mahmoud Darwich est encore hanté par un amour douloureux qui traverse sa vie comme ses livres. Rita, cet amour fulgurant, cette passion magistrale qui se solda par un échec car elle était juive. La guerre se chargea de briser leur passion.

Enfin Mahmoud essuie de très nombreuses critiques des conservateurs du style arabe classique et de cette poignée de religieux étriqués (qui malgré ses crimes, ne parviendra jamais à corrompre les raffinements du monde arabe). Il s'en moque et balaye d’un revers de main cette indécence caricaturale. Il poursuit son écriture, expérimente son style, parvenant dans l’art de la maîtrise de la métaphore à l'excellence.

Voici un petit extrait d'une lecture avec Rachid Benlafquih, filmé par un spectateur au Passage 17 lors des Lettres d'Automne.



Image d'en-tête : texte de En son absence, je crée son image, par le calligraphe Diwani Jali

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