Droits d'expression et droits d'éducation

Je suis heureux que l'on revendique la liberté d'expression comme un fondement de la démocratie.
J'appelle de tous mes voeux qu'elle s'applique à tous, à Dieudonnée, Zemmour, Finkielkraut, Houellebecq, et à tous ceux dont les idées déplaisent.

J'entends déjà la polémique enfler.
« Ces idées blessent mes convictions ou ma religion... Sous prétexte de liberté d'expression, on admet que des personnes sont insultées !... »

La censure est la réponse la plus facile et la plus immédiate, mais la liberté d'expression perd de facto son essence de liberté. Dès lors, la liberté d'expression ne supporte aucune limitation. Elle est entière et totale ou n'est pas.
Une question se pose. Comment répondre à la liberté d'expression ? Comment se défendre quand on est blessé, que l'on se sent humilié ?
L'éducation répond à la liberté. Elle donne la culture qui permet de développer des arguments et de les formuler. Elle enseigne la philosophie qui accepte la contradiction dans un espace collectif et offre l'apprentissage de la distanciation propre à l'humour et l'autodérision.
Liberté d'expression et éducation sont intimement liées. Si l'on considère que l'une doit être défendue sans exception, l'autre doit l'être tout autant.

Mais je suis lucide et je sais que le prochain déplaisant sera sacrifié sur l'autel de la bêtise, que la liberté d'expression et l'éducation seront encore les figures défaillantes de notre société. L'esprit Charlie dont tout le monde se revendique aujourd'hui, n'est qu'une hallucination collective sans réelle conscience; il s'étouffera très vide ne laissant aucun souffle à la liberté d'expression.

Je suis Charlie parce que j'ai de l'affection pour Cabu.
Je suis Charlie parce que je suis un lecteur de Charlie Hebdo.
Je suis Charlie parce que je hais la barbarie.
Je suis Charlie parce que ce drame m'a jeté dans une grande tristesse.
Je suis Charlie enfin parce que je défends la liberté d'expression sans limites pour tous et que je défends avec la même vigueur les vertus de l'éducation.

Je ne suis pas Charlie pour tout le reste, dont le rassemblement de dimanche, qui me semble une vaste récupération malhonnête et une grande manifestation spectaculaire comme le démontre Guy Debord.
Je refuse d'y prendre part.