L'absurde crispation orthographique


Si Jean-Marie AROUET LE Jeune a pu choisir pour pseudonyme l'anagramme VOLTAIRE, c'est qu'au 18ème siècle les règles d'orthographe étaient différentes. Ainsi, il ne se privait pas d'écrire filosofe.

Depuis l'annonce de la réforme de l'orthographe (mise en place à la rentrée 2016), l'internet s'enflamme, se gausse, en oubliant un peu vite toutes les incohérences du français et les nombreux problèmes qu'elles posent.

Voici quelques exemples :

  • Les prénoms Paul et Paule ne se prononcent pas de la même façon mais s'écrivent tous deux avec AU.
  • Obtenir se prononce [optenir]
  • L'étymologie latine est souvent fausse : pied avec un D du latin Pedibis alors que l'origine latine de poids est pensum.
  • Le E nasal (prononcé [IN]), s'écrit de 24 manières (Essayez de les retrouver. Réponse en fin de page.)
  • Faut-il distinguer le philtre (d'amour) et le filtre (à café) ?
  • Pourquoi un cuissot (de chevreuil) et un cuisseau (de veau), si ce n'est pour garder la trace d'anciennes prononciations ?
  • Pourquoi deux N à donner ou sonner et garder l'ancienne prononciation [don]-[ner] ou [son]-[ner] ?
  • Pourquoi l'orthographe marque tantôt l'étymologie, tantôt la prononciation ? Et selon quelles règles ?
  • Pourquoi distinguer compter (en calcul) et conter (une histoire) alors que les Anglais utilisent tell pour compter et conter, en faisant la distinction avec le sens de la phrase.
  • Pourquoi laïc (nom) et laïque (adjectif) ou public (non et adjectif) et publique (adjectif féminin) ?
  • ...

L'orthographe française est régie selon des règles qui comportent de nombreuses exceptions et des incohérences. Elle en vient à ressembler à un système très compliqué, absurde par bien des côtés, dont le seul mérite est de fonctionner même si personne n'est à l’abri de la faute.

Alors faut-il réformer l'orthographe ? Trois positions s'affrontent.

1) Les conservateurs
Cette position, celle qui enflamme aujourd'hui l'internet, défend « historicité » de la graphie. Elle oublie néanmoins que notre orthographe est déjà constituée de dissymétries, d'ambiguïtés, d'homonymies et de synonymies. D'autre part, la graphie française n'a jamais cessé de se réformer depuis le Concile de Tours de 813. Voir l'historique des réformes.

2) Les radicaux
Cette position, moins connue du grand public, défend une écriture phonologique. Il ne s'agit pas d'écrire « comme on prononce » mais de donner une représentation univoque à tous les sons. Cette méthode est largement répandue en Chine et au Japon.

3) Les réformistes
Supprimer quelques aberrations, simplifier quelques graphies, est une position raisonnable, une alternative que les intellectuels de la langue adoptent depuis le 16ème siècle.


La réforme de l'orthographe proposée aujourd'hui est la continuité des réformes au cours de l'histoire. Elle n'est pas le signe d'une graphie qui s'appauvrit mais au contraire elle montre la vivacité du français, sa modernité et sa capacité de s'adapter à son temps.



Les 24 graphies du son IN, solution :
IN vin, IM imbu, INT vint, INCT instinct, ING poing, INGT vingt, EIN rein, EINT ceint, EING seing, HEIN hein, AIN pain, AINT saint, AING parpaing, AIM daim, AINC vainc, EN moyen, ENT contient, YM thym, YN synthèse, HUN hun, EUNG Meung-sur-Loire, UN un, EUN jeun, UM parfum.

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