Ejo


J'ai décidé de participer au jury du prix Place aux nouvelles. Ouvert à tous les lecteurs, il suffit de lire les 5 recueils de nouvelles en lice (renseignements en détail). Le premier que je découvre est EJO de Beata Umubyeyi Mairesse.

L'auteure est adolescente quand le génocide des Tutsi commence. De caves en cachettes, la mort l'épargne et elle parvient à gagner la France. C'est de cet exil que Beata tire les sujets des 10 nouvelles du recueil.

1) Une mère espère que son fils saura se montrer digne de son nom. Mais n'est-ce pas déjà trop tard peut-on comprendre entre les lignes.

2) Madame n'a pas renvoyé le jardinier qui le méritait, mais la domestique la plus dévouée. La jeune femme quitte la maison non sans une dernière humiliation.

3) Tantine est arrêtée et emprisonnée. Elle serait une espionne à la solde des rebelles.

4) La correspondance de soeur Anne sur trente ans témoigne d'un pays qui sombre dans le chaos puis se redresse.

5) Une jeune femme exilée retrouve sa cousine Félicité, seule survivante de la famille.

6) L'épouse de cet exilé au Canada a été exécutée alors qu'elle rendait visite à sa famille. Il est difficile de faire le deuil sans sépulture.

7) La narratrice ne supporte plus ses règles qui la confrontent à un traumatisme. Heureusement que son amie Léa sait être drôle et prodiguer de bons conseils.

8) Une jeune réfugiée se souvient des radios rwandaises.

9) Récit d'un long calvaire pour fuir la guerre.

10) Des années après la guerre, le Rwanda se reconstruit, les regrets prennent la poussière, les assassins sortent de prison. Le pays s'ouvre à la mondialisation.

Le sujet est grave. Souvent un sanglot envahit la lecture. Mais ce n'est pas un recueil triste. L'auteure multiplie des portraits de femmes très attachantes et certaines pleines d'humour. Au sein d'un sujet dramatique, elle dégage des situations cocasses. J'ai été très attaché par la variété des points de vue et des mises en scène qui en font un recueil où l'on ne s'ennuie pas. D'autant plus que l'auteure nous épargne toutes positions manichéennes ou moralistes. Elle n'aborde pas non plus le rapport de force politique ou l'implication raciste et totalitaire de l'état français. L'auteur se concentre sur le crime contre l'humanité et interpelle toute notre l'humanité.

Enfin il faut noter l'aisance d'écriture de l'auteure et son style limpide. C'est, à titre très personnel, le seul défaut du recueil : ce nouvel académisme, ce formatage « khâgne » qui bride les personnalités.

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